Rédigé par Les chefs d’établissement de l’inter-organisation professionnelle de l’Académie de Bordeaux.
Lettre ouverte
Nous, chefs d’établissement de l’Enseignement Catholique de l’Académie de Bordeaux, poussons un cri d’alerte.
VOICI ce que nous avons à dire, parce que la situation n’est plus tenable.
VOICI, dans nos établissements, des enfants que la République reconnaît comme porteurs d’un handicap. Cette reconnaissance ouvre des droits avec entre autres la possibilité d’être accompagné par un adulte formé – un AESH (Accompagnant d’Élève en Situation de Handicap) – pour leur permettre de suivre une scolarité comme les autres, avec les autres. Ce n’est pas une faveur. C’est la mise en œuvre du principe de compensation prévu par la loi de 2005, pour les aider à accéder aux apprentissages, à la vie de la classe et à la socialisation. Sans cet accompagnement, nombre d’entre eux ne peuvent ni apprendre, ni trouver leur place à l’école.
Ces enfants deviendront des adultes. Et l’école inclusive ne vise pas à les assister, mais à leur permettre, grâce à cette main supplémentaire tendue à temps, de devenir des citoyens debout, capables d’agir, de décider, de vivre avec et parmi les autres.
VOICI maintenant ce que nous observons — pire, ce que nous contribuons malgré nous à organiser : un écart grandissant entre les droits notifiés et les moyens déployés.
VOICI une multitude d’établissements, aux besoins croissants, contraints de faire toujours plus avec toujours moins. Avec au départ, un statut qui ne permet pas aux AESH d’être remplacés en cas d’absence (congé maladie, maternité…), un gel des embauches depuis septembre 2024 qui oblige à fonctionner à moyen constant et ce malgré les nouvelles notifications délivrées par la MDPH et depuis avril 2025 le non remplacement des licenciements et des départs à la retraite.
À titre d’exemple, VOICI des établissements qui comptent jusqu’à 53 notifications d’aide humaine pour 14 AESH, dont certains sont absents depuis des mois, sans remplacement. Voici un autre secteur où 11 AESH doivent couvrir 7 accompagnements individuels, 15 mutualisés. Ailleurs encore, 7 AESH suffisent à peine à couvrir l’accompagnement de 14 enfants, dont plusieurs ont une notification de 100 % du temps scolaire y compris sur les temps méridiens.
VOICI ce que cela implique aussi pour les AESH : des agents sous contrat précaire, à temps partiel imposé, appelés à accompagner plusieurs enfants, parfois sur plusieurs établissements éloignés de plusieurs kilomètres. Leur mission n’est ni reconnue, ni protégée. Les épuiser, c’est épuiser aussi la promesse de l’école inclusive.
VOICI une gestion quotidienne sous tension, dans laquelle chaque notification supplémentaire devient une menace d’épuisement.
VOICI ce que signifie « moyens constants »: en réalité, des moyens restants. Une confusion dangereuse, que nous dénonçons fermement.
VOICI, enfin, une rupture d’égalité, au cœur de l’école. L’égalité, pourtant inscrite au fronton des établissements, dans la Déclaration des Droits de l’Homme, dans la Déclaration des Droits de l’Enfant, dans la loi du 11 février 2005. Ces textes ne sont pas symboliques. Ils sont juridiques et aujourd’hui, bafoués, au cœur même de nos écoles.
VOICI donc une République qui célèbre les vingt ans de la loi du 11 février 2005, mais qui n’en respecte plus ni la lettre, ni l’esprit. Cette loi fondatrice, celle de l’égalité des droits et des chances, de la participation et de la citoyenneté des personnes en situation de handicap, est aujourd’hui piétinée.
VOICI encore un système qui rend indiscernables l’injustice et la résignation.
Voilà aussi, et peut-être surtout, le paradoxe le plus cruel : pour une économie de moyens à l’instant T, nous creusons un coût social immense à venir. Un enfant non accompagné, c’est un adolescent fragilisé, un adulte plus dépendant, une société moins inclusive, moins juste. Ce n’est ni efficace, ni défendable.
Nous ne voulons plus prioriser là où le droit impose d’agir. Nous ne voulons plus arbitrer entre enfants. Nous ne voulons plus être les rouages d’un système qui produit de l’injustice, tout en demandant aux acteurs de terrain d’en porter seuls la responsabilité.
Notre appel est clair et sans détour : le droit à l’accompagnement doit être respecté, les notifications mises en œuvre, les AESH remplacés et en nombre suffisant.
Tous nous refusons de normaliser l’inacceptable.
La lettre ouverte (voir ci-dessus) a commencé à faire des petits puisque suite à sa publication, nous avons pu créer un collectif de dénonciation et de réflexion. Il réunit actuellement l’APEL Pays Basque, l’association Chrysalide, Integrazio Batzordea, Seaska, Peio Dufau et Daniel Olçomendy.
Nous avons organisé une première conférence de presse et devons nous revoir pour travailler à la suite de nos actions.
Vous trouverez, joint à cet article, les retombées parues dans la presse et les médias.





